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Dr Jensen Jaganathen : «Je voudrais être le premier à importer du cannabis»

Il mène un combat afin que le cannabis soit utilisé pour ses propriétés médicinales. «Il y a des gens qui viennent me voir pour me dire : ‘‘Écoutez, mon père a fait de la chimio, de la radiothérapie, et les médecins m’ont dit qu’il n’avait plus que trois mois à vivre. Qu’est-ce que je peux faire ?’’ Je leur dis alors qu’il y a un produit qui existe. Souvent, ils me disent qu’ils n’arrivent pas à s’en procurer. Je leur donne alors une solution. Je ne trouve pas cela normal», explique-t-il. Rencontre.

L’histoire d’Anish Dabeesingh, décédé à 22 ans d’un cancer et décoré de la République à titre posthume, a touché plus d’un. Nous apprenons, en lisant son histoire dans l’Express dimanche, que le ministre de la Santé lui a refusé une dérogation – après une prescription de son médecin traitant, un Américain – pour importer du cannabis médical afin de «calmer ses douleurs que même la morphine avait du mal à soulager». Comment réagissez-vous face à pareille situation ?

 

Tout dépend dans quel pays vous vivez. Si vous vous trouvez aux États-Unis, vous avez une chance de vous en sortir. Si vous vivez à Maurice, vous n’aurez pas cette chance. Ce n’est pas normal. On devrait tous avoir les mêmes droits, quel que soit le pays où on vit. C’est un jeune homme qui n’a pas eu de chance. Il y a sans doute beaucoup de pays qui auraient aussi refusé qu’il utilise du cannabis pour son traitement. De nombreux pays, même en Europe, auraient refusé. Mais comment peut-on refuser de soulager la souffrance de quelqu’un qui a essayé la chimio, quelqu’un sur qui la morphine ne marche pas ? Il y a des gens qui viennent me voir pour me dire : «Écoutez, mon père a fait de la chimio, de la radiothérapie, et les médecins m’ont dit qu’il n’avait plus que trois mois à vivre. Qu’est-ce que je peux faire ?» Je leur dis alors qu’il y a un produit qui existe. Souvent, ils me disent qu’ils n’arrivent pas à s’en procurer et je leur donne alors une solution. Je ne trouve pas cela normal. Il s’agit là d’une question de santé. Quand on sait en plus qu’on a tout essayé, c’est qu’on n’a pas tout essayé justement. Surtout pour le cancer.

 

C’est-à-dire ?

 

Selon des derniers extraits d’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui est dit sur l’usage du cannabis est clair. On est d’accord, c’est bon pour certaines maladies et pour d’autres, il faut travailler encore. Maintenant, c’est vrai qu’à Maurice, nous sommes plus royalistes que le roi. Il nous faut encore des choses, il nous fait encore des articles internationaux. Pourtant, j’en ai tout plein. J’ai lu récemment un article sur une dame qui travaille depuis 15 ans sur le cancer du sein et qui parle de l’efficacité du cannabis qui n’est plus à prouver. Selon elle, tout est une histoire de dose. Pour revenir à ce jeune homme, Anish Dabeesingh, je dirais que j’aurais pris le risque et j’aurais même été prêt à faire de la prison, mais j’aurais sauvé mon fils, ma fille, mon cousin, je serais allé chercher le produit qu’on trouve partout.

 

Vous êtes donc pour l’usage du cannabis à des fins médicinales ?

 

Je vois que, depuis un mois ou deux, il y a plusieurs prises de position sur ce sujet. Qu’est-ce qui fait qu’il y a tout ce mouvement ? Il y a eu les partis politiques avec Alan Ganoo, Xavier-Luc Duval puis Bérenger qui s’en est mêlé et Arvin Boolell aussi. Comment se fait-il que tout ce beau monde se soit intéressé à ce sujet ? Il a dû se passer quelque chose que je ne maîtrise pas. Mais cela fait trois ans que je n’arrête pas de faire entendre ma prise de position sur l’usage du cannabis. Depuis le mois de décembre 2017, je demande un rendez-vous avec le ministre de la Santé pour parler de ce sujet qui me tient à cœur. Mais quatre mois plus tard, il est toujours occupé. Moi aussi je suis occupé mais sur cette question, il ne s’agit pas de moi mais de Maurice. Je n’ai rien à gagner dans ce combat, si ce n’est de défendre mes compatriotes et surtout les gens qui souffrent de cette terrible maladie qu’est le cancer. C’est devenu ma bataille.

 

Êtes-vous soutenu dans cette bataille ?

 

Quand j’ai commencé cette bataille, tout le monde me prenait comme le mec qui parle de cannabis et qui n’y connaît rien. À l’époque, il y a trois ans,  Ameenah Gaurib-Fakim disait «que les chercheurs qui pensent que le cannabis pourrait être utilisé comme médicaments ne sont pas de vrais chercheurs». J’espère vraiment qu’elle a changé d’avis. Tout le monde change d’avis. Même des gens proches me disaient : «Kifer to pial dir dan zournal ki kanabis bon pou la sante ? Pa bon to dir sa.» Comme j’ai été le premier à avoir parlé du cannabis à des fins thérapeutiques, je voudrais être le premier à l’importer.

 

Pourquoi l’OMS a tant tardé, alors qu’il y a des gens qui travaillent sur ces produits depuis des années ?

 

Tout simplement parce que l’industrie pharmaceutique, c’est comme une mafia. Si un produit comme ça sort, un produit qui n’est pas cher du tout, comment vont-ils s’en sortir ? Dans la chimio par exemple, on utilise plusieurs produits très chers, sans oublier tous les effets secondaires, alors qu’il n’y a pas de tels effets  avec le cannabis. La consommation de ces produits risque d’en souffrir. À savoir aussi que le cannabis ne tue pas les cellules saines, comme la plupart des radiothérapies et chimiothérapies, mais ne tue que la cellule malade. Et c’est le vrai miracle de ce produit ! Les entreprises pharmaceutiques craignent la faillite. Quand il existe une possibilité comme ça grâce à un produit comme le cannabis, le lobbying se met contre ce produit.

 

Vous êtes donc pour la légalisation du cannabis pour ses propriétés médicinales ?

 

Mais si on veut que ce produit, le cannabis, soit disponible à l’hôpital ou en pharmacie, peut-être dans quelques années, et d’autres pays l’ont essayé, il faut le légaliser. Quand vous légalisez, il va falloir être très précis. La moindre erreur dans l’énoncé de la légalisation et les gens vont se dire que c’est légal. Non. Il faudra ajouter : il n’est légal que pour l’utilisation thérapeutique. C’est très important pour un usage uniquement en hôpital, comme c’est le cas actuellement avec la morphine.

 


 

Bio express

 

Jensen Jaganathen, spécialiste en chimie thérapeutique et en pharmacologie, est parti s’installer avec ses parents en France à l’âge de 5 ans. Après ses études primaires et secondaires, il a fait un Deug en biologie, suivi d’une licence et d’une maîtrise en biochimie. Prochaine étape : diplôme d’études approfondies en chimie organique. Un doctorat ès sciences en chimie bio-organique viendra couronner ses années d’études.