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Des adieux déchirants à Harmon Chellen

Un mari et un père aimant et aimé, un professionnel respecté… Harmon Chellen laisse un souvenir indélébile.

Les circonstances de la mort de l’ancien directeur de l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval sont encore floues. Les zones d’ombre se multiplient suite à la contre-autopsie pratiquée vendredi. La tristesse était palpable lors de son enterrement.

Toute cette histoire lui semble être un mauvais rêve. Jayshree Chellen n’arrive d’ailleurs toujours pas à croire que son époux, Harmon, s’en est allé. Le corps de ce dernier a été retrouvé le lundi 18 août, flottant au large de Mahé, aux Seychelles, en face du Constance Ephelia Resort.

Selon le rapport provisoire de l’autopsie pratiquée par les autorités seychelloises en présence de Me Veda Balamoody, avocat de la famille Chellen, Harmon Chellen, 52 ans, a succombé à une asphyxie due à la noyade (voir hors-texte). Cependant, ses proches ont des doutes quant à cette thèse car la noyade semble plutôt étrange. C’est pourquoi ils ont demandé une contre-autopsie. Après que la dépouille a été rapatriée à Maurice vendredi, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, Chief Police Medical Officer, en présence du Dr Satish Boolell, dont les services ont été retenus par la famille Chellen, a ainsi procédé à la contre-autopsie du corps (voir plus loin).

Harmon Chellen, qui dirigeait d’une main de fer l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval depuis 2000, a connu une fin tragique lors d’un voyage d’affaires aux Seychelles. Il se trouvait dans l’archipel en tant qu’invité d’honneur à une cérémonie de remise de diplômes organisée par l’École hôtelière des Seychelles. Il s’y était rendu le mardi 13 août et devait rentrer au pays le lundi 18 août, jour où son corps a été découvert.

Ses funérailles ont eu lieu hier, à 13h30, à Phoenix (voir hors-texte). Contrairement à la tradition hindoue, qui veut que l’on incinère le corps du défunt, la famille de Harmon Chellen a pris la décision de l’enterrer dans l’éventualité d’une contre-expertise médicale du corps.

Chez les Chellen, tous peinent à croire qu’un des leurs s’en est allé et, qui plus est, dans des circonstances mystérieuses. La nouvelle, tombée lundi dernier, a d’ailleurs eu l’effet d’une bombe. Depuis, ils sont des centaines à avoir fait le déplacement pour présenter leurs sympathies aux Chellen.

Déposition à la police

Jayshree, l’épouse de la victime, est encore sous le choc. «Ziska ler mo pa krwar. Mo pe panse ki mo pe fer enn move rev. C’est très dur pour mes enfants et moi. Nous n’acceptons toujours pas sa mort», confie Jayshree, employée comme Assistant Permanent Secretary au ministère de la Santé. Cette dernière, qui se bat pour connaître la vérité, envisage de consigner une déposition à la police après avoir consulté son homme de loi, Veda Baloomoody. Sa rencontre avec ce dernier est prévue dans le courant de la semaine, pour décider de la marche à suivre. De son côté, il va demander à ce que l’enquête policière se poursuive en prenant en ligne de compte les conclusions de la contre-autopsie.

Comme Jayshree, d’autres proches de Harmon Chellen sont inconsolables. «Kifer ti bizin mor kumsa ? Kifer inn bizin mor laba ? Zame ti a krwar pu tann enn nuvel kumsa pu li. Enn destin sa ? Sorti la pu al mor lot kote dilo ?» se demande une tante de la victime.

À la tristesse se mêle aussi l’incompréhension. En effet, plusieurs zones d’ombre intriguent les Chellen, notamment les conclusions du rapport provisoire de l’autopsie pratiquée aux Seychelles. «Comment quelqu’un qui ne savait pas nager et qui était allergique à l’eau de mer, ayant des problèmes de peau, a-t-il pu se jeter à l’eau ?» s’interroge un cousin de la victime.

Autre fait troublant : lorsque Harmon Chellen a été retrouvé, il était torse nu. Il ne portait qu’un pantalon et des chaussettes. «Ou truv sa normal ou enn dimun ki swa disan inn rant dan dilo pu naze tir zis so semiz ek so soulie ? Linn noye ek so pantalon ek so soset. Nu anvi kone kot so sintir ete parski sa pa ti lor li kan inn gagn so lekor», avance un proche.

«Un homme exemplaire»

Les interrogations sont nombreuses chez les Chellen. Un cousin est lui intrigué par le fait que l’ancien directeur de l’École hôtelière soit mort dans des circonstances tragiques alors qu’il devait mettre le cap sur Singapour pour y accompagner son fils Brandon dans le cadre de ses études supérieures. «Quelqu’un qui devait prendre l’avion le lundi 25 août se serait-il suicidé ? (NDLR : thèse de la police seychelloise) C’était un époux et un père exemplaire. Il n’a jamais eu de problème de comportement. Il fréquente les grands hôtels et les grands restaurants depuis plusieurs années. Tous le respectent. Il s’est forgé un caractère et une réputation à force de dur labeur», souligne-t-il.

Un avis partagé par ses collaborateurs de l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval. Pour Shivaramen Pareatumbee, Food & Beverage Coordinator au sein de cet établissement, l’annonce du décès de Harmon Chellen a été un choc. «J’étais au supermarché lorsque j’ai appris la nouvelle. Harmon était bien plus qu’un directeur pour nous. J’ai eu la chance de l’avoir eu comme élève en 1985», se souvient-il. D’ailleurs, lui garde le souvenir d’un hardworker : «Il était très discipliné. C’était aussi un excellent leader. Il avait toujours de bonnes relations avec son personnel. C’était un ami, quelqu’un de très humble. Il a toujours su marquer les esprits. La preuve : il est l’initiateur de la Waiter’s Race organisée par l’École hôtelière à deux reprises, avec la collaboration du Rotary Club de Quatre-Bornes. Harmon y était un membre très actif.»

Gulshan Teeluck, Acting Coordinator au département Tourism de l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval, n’oubliera pas non plus sa collaboration avec Harmon Chellen. «Je l’ai connu lorsque je suis arrivé à l’École en octobre 2000. Il venait d’être nommé directeur. Nous étions tous deux nouveaux à nos postes respectifs. Nous avons travaillé sur plusieurs projets innovants à l’époque, dont l’informatisation de l’école. Il a également aidé à mettre sur pied le département Tourism et a introduit des nouveaux cours comme le Diploma in Tourism Management, le Tour Guiding, les cours en Travel & Tourism ou en Leisure & Entertainment», fait-il ressortir.Pamela Narainsamy, Acting Coordinatour au département Front Office & Housekeeping de l’École hôtelière, pour sa part, retient surtout une phrase de son ancien directeur : ‘‘Your attitude rather than your aptitude will determine your altitude in life.’’

«Passionné de la formation»

En outre, dit-elle, Harmon Chellen était un homme qui ne craignait guère les défis. «Avant les Jeux des îles de 2003, qui aurait cru que le personnel de l’École hôtelière et ses étudiants de l’époque allaient s’occuper du catering tous les jours. On a donné à manger à 2 000 personnes pendant ces jeux. Lorsqu’on avait des problèmes, il nous disait à chaque fois : ‘‘Pa vinn ar problem vinn ar solition.’’ Il avait toujours les bons mots pour remonter le moral de ses troupes», confie notre interlocutrice.

Harmon Chellen  a tant apporté à l’École hôtelière qu’il est difficile d’imaginer le fonctionnement de l’établissement sans lui, avoue Sen Ramsamy, ancien directeur de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM). «Maurice perd un professionnel de calibre et un passionné du tourisme et de la formation. Je perds en Harmon un très bon collègue, un excellent ami mais aussi un frère que je ne pourrai jamais oublier», dit-il.

Harmon Chellen  et lui se connaissaient depuis les années 90 : «J’avais remarqué Harmon alors qu’il travaillait à l’hôtel Le Mauricia, à Grand-Baie. J’étais fonctionnaire au ministère du Tourisme qu’on venait de créer. L’accent était mis sur la formation professionnelle et Harmon se distinguait déjà à l’hôtel par son professionnalisme et sa rigueur au travail. Par la suite, quand je suis devenu Chief Executive Officer de l’AHRIM, je l’ai rencontré à nouveau à l’École hôtelière où il entamait une carrière dans la formation hôtelière.»

À l’époque, Sen Ramsamy contribuait activement à l’élaboration de la politique de formation du gouvernement : «On venait d’ouvrir la nouvelle École hôtelière à Ebène. Harmon Chellen y était comme formateur et il a gravi les échelons au fil des années, pour ensuite devenir directeur. Je me rappelle encore de sa prestation lors de l’interview pour la sélection d’un directeur pour cet établissement.» Durant sa carrière à l’École hôtelière, Harmon Chellen a aussi connu plusieurs générations d’étudiants. Miguel Chan, qui travaille à Johannesburg depuis 2003 pour le compte du géant du groupe hôtelier sud-africain Tsogo Sun, en fait partie. «Je suis un pur produit de Harmon Chellen. Il était mon enseignant en Food & Beverage de 1997 à 2000. Notre dernière rencontre remonte à quelques jours. C’était dans le cadre du Concours des Meilleurs Sommeliers de l’île Maurice. C’est grâce à lui que j’ai découvert ma passion pour le vin et la nourriture. C’est aussi grâce à lui que je suis devenu quelqu’un de discipliné», se souvient le jeune homme, employé comme sommelier du groupe et responsable de la sommellerie des 95 hôtels du groupe en Afrique du Sud. Il ajoute : «J’ai été choqué d’apprendre son décès. Il était un homme sage. La vie est tellement injuste. Je n’oublierai jamais ce dernier de vin que nous avons bu ensemble.»

Un homme sage, bosseur, exemplaire. Tel est le souvenir que Harmon Chellen laisse à tous ceux qui l’ont côtoyé.

 


Une riche carrière

Son parcours personnel est un bel exemple de réussite. Harmon Chellen débute sa carrière dans l’hôtellerie en 1983 comme serveur à l’hôtel La Pirogue. Après une formation en Restaurant and Bar Operations à l’École hôtelière de Maurice il quitte le pays à bord du MS Astor, un navire de croisières. Il y travaille comme Restaurant and Deck Steward pendant deux ans. En 1990, il est employé au Hilton à Londres comme Management Training Scheme, puis, il occupe le poste de Room Service Supervisor au Sheraton Belgravia Hotel à Londres. En février 1992, il travaillera comme Banqueting Supervisor pour Noel’s Caterers à Londres avant d’occuper les fonctions de Catering Manager pour le compte d’Implant Caterers Company Ltd un an plus tard. Harmon Chellen rentre au pays en 1994.

Il rejoint le groupe Appavou, travaille ensuite à Beachcomber comme Bar, Banqueting and Duty Manager à l’hôtel Le Mauricia. En janvier 1997, il quitte le monde du travail pour celui de la formation. Il rejoint l’École hôtelière de Maurice comme enseignant en Food and Bewerage Operations and Management. En juin de l’année suivante, il est nommé assistant directeur. Et à partir de juillet 2000, il occupe le poste de directeur.

 


Satish Boolell, ancien médecin légiste de la police : «Foul play is strongly suspected»

Il est irrité, dit-il. La raison étant que l’autopsie pratiquée aux Seychelles serait incomplète. «Le rapport des Seychelles est complet mais l’autopsie est incomplète», soutient Satish Boolell, ancien médecin légiste de la police dont les services ont été retenus par la famille de Harmon Chellen.

Suite à la contre-autopsie, pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, en sa présence, il estime qu’un «foul play is strongly suspected». «Une partie de la dépouille n’a pas été disséquée. Qui plus est, des hématomes internes ont été décelés à la tempe gauche. D’autres hématomes pourraient avoir disparu après la première autopsie», dit-il. À noter que les hématomes à la tempe gauche ne figurent pas dans le rapport émis par les Seychelles.

Les circonstances de la découverte du corps de Harmon Chellen l’intriguent d’autant plus. C’est à 500 mètres du poste de police où il était détenu pendant quatre heures, sans qu’il n’ait consigné de déposition, que Harmon Chellen a été retrouvé. «C’est la première fois de ma longue carrière que quelqu’un se suicide ou se noie torse nu», poursuit-il.

 


Les autorités seychelloises traitent l’affaire comme un suicide

Pour la police des Seychelles, il n’y a pas de foul play. Elle traite la mort d’Harmon Chellen comme un suicide. Selon nos informations, les limiers se basent sur le rapport provisoire de l’autopsie qui a conclu à une asphyxie due à la noyade. Ils attendent cependant les résultats de diverses analyses scientifiques avant de se prononcer définitivement.

Dans un communiqué de presse officiel, la direction de Constance Ephelia Resorts explique que la dépouille d’Harmon Chellen a été repêchée dans le lagon d’Anse Lislet, le lundi 18 août, quelques heures avant qu’il ne prenne l’avion pour rentrer à Maurice. Le directeur de l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval séjournait dans cet établissement depuis le 13 août et devait en effet le quitter le 18 août.

Ce jour-là, vers 9h30, Harmon Chellen s’était rendu à un poste de police suite à la plainte déposée par une employée de l’hôtel contre lui pour tentative d’agression sexuelle. La jeune femme avait aussi porté plainte en ce sens à la sécurité de l’établissement, la veille vers 19h45. Son époux – le couple est d’origine malgache – travaille aussi dans cet hôtel dans l’équipe de la sécurité. Selon nos informations, la police n’a pas interrogé ce dernier dans la mesure où il aurait un alibi solide : il se trouvait à son poste. Les images des caméras de surveillance de l’hôtel le prouveraient.

La direction de Constance Ephelia Resort n’a pas souhaité faire d’autres commentaires sur cette affaire dans la mesure où une enquête est toujours en cours. Son service de presse tient toutefois à exprimer ses sincères condoléances à la famille endeuillée.

 


Le fils de Harmon Chellen (à g.) ne peut contenir son chagrin. 

 

Douleurs et larmes aux funérailles

Samedi 23 août. Chez les Chellen, à Carreau Laliane, ça afflue de toutes parts. L’on s’apprête à procéder aux funérailles de Harmon Chellen. À l’intérieur de la maison, la dépouille repose au milieu de centaines de fleurs. À côté, femme et enfants sont en larmes alors que la dernière séance de prière tire à sa fin. 13h30. Dans le silence, les cris du cœur de sa fille sont déchirants. Affaiblie, elle a du mal à avancer mais refuse de lâcher le cercueil de son père. À ses côtés, sa mère ne cesse de répéter, d’une voix à peine audible, «Tu es parti trop tôt. Que Dieu t’accompagne». Son fils, le regard perdu dans le vide, aide à transporter le cercueil jusqu’à sa dernière demeure, alors que les étudiants de l’école hôtelière forment, devant lui, une haie d’honneur. Famille, proches, amis, collègues, élèves, personnalités politiques… ils étaient nombreux à être venus rendre un dernier hommage à Harmon Chellen dont la soudaine disparition a créé une onde de choc. «C’était un directeur exemplaire. Il nous a encouragé à aller de l’avant, à étudier et travailler en même temps. Il va terriblement nous manquer. C’est triste de perdre notre meilleur Training Manager», souligne Amorina René, présidente du corps étudiant de l’École hôtelière. Tous garderont en mémoire le souvenir d’un grand homme…

 

Les élèves de l’École hôtelière ont formé une haie d’honneur… comme un dernier hommage.