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Contrat de Rum and Sugar : Pourquoi ces biscuits provoquent l’indignation…

Sur les réseaux sociaux et les radios privées, les Mauriciens s’enflamment pour cette affaire qui fait des miettes de polémique.

Sur les réseaux sociaux et les radios privées, les Mauriciens s’enflamment pour cette affaire qui fait des miettes de polémique.

Much ado about a… «pake biskwi». Du côté du gouvernement, on balaie cette affaire comme si on nettoyait les miettes d’un petit déjeuner rapide. D’un revers de la main. Il n’y a rien de louche. Chacun peut faire du business, assure-t-on. Toutes les procédures ont été respectées, soutient-on du côté de Mauritius Duty Free Paradise (MDFP). Même discours pour la principale concernée, Sheila Hanoomanjee, et sa mère, la Speaker de l’Assemblée nationale. Ce serait une tempête dans un verre d’eau (ou plutôt une tasse de thé). 

 

Pourtant, il s’agit de biscuit béni pour l’opposition, décidée à faire feu de toute pâte sucrée pour la rentrée parlementaire prévue le 28 mars. Xavier-Luc Duval en a fait son dossier tir manze. Le leader du PTr a dénoncé «une arnaque», photosà l’appui. Et Shakeel Mohamed a, sur la piste du coco ou de la vanille, déposé une motion de censure contre Maya Hanoomanjee pour manque de confiance. 

 

De nombreux Mauriciens, eux, s’indigent sur les réseaux sociaux, les ondes des radios privées et dans leurs conversations. Mais qu’est-ce qui provoque cette vague de mécontentement ? C’est une question de perception teintée d’un ras-le-bol, estiment ceux que nous avons interrogés. 

 

Le fait que la fille de Maya Hanoomanjee approvisionne la MDFP ne passe pas bien auprès de l’opinion publique. Et le prix, 17 euros, du produit-phare (des biscuits de la marque Esko placés dans un packaging-souvenir) de la compagnie Rum and Sugar Ltd ferait tiquer également. Sheila Hanoomanjee s’est expliquée au moyen d’un communiqué (voir hors-texte). Ce qui n’a pas, pour autant, calmé l’agacement de ceux qui ont l’impression qu’il y a eu maldonne. 

 

La fille de...

 

Il ne s’agit que de ça, effectivement : une impression. Et ça suffit pour embraser le pake biskwi. Et ce n’est pas à cause de son prix, estime Tania Diolle, chargée de cours en sciences politiques à l’Université de Maurice. Mais parce qu’il s’agit de la fille de la Speaker de l’Assemblée nationale. Ça aurait été quelqu’un d’autre, les choses auraient été quelque peu différentes.

 

«Le problème, c’est que Sheila Hanoomanjee est liée à une personne qui a de hautes fonctions et qui représente l’État. Ce n’est pas une bonne chose qu’il y ait cette perception que grâce à ce lien de parenté, elle aurait bénéficié de certains avantages.» Partout dans le monde, explique-t-elle, les gens s’indignent quand existe cette impression qu’un proche d’une personne haut placée politiquement obtient des avantages. «On peut le dire : pas tout le monde a la chance de vendre ses produits dans la boutique duty-free de l’aéroport !»

 

L’universitaire le dit et le répète, il ne s’agit là que d’une perception mais elle aurait dû être évitée à tout prix. «Les responsabilités de la Speaker, celles qui veulent qu’elle soit au-dessus de tout reproche, rejaillissent sur sa famille, qui se doit aussi d’être éloignée de toute suspicion. Les privilèges qu’a Maya Hanoomanjee ne doivent lui servir qu’à pouvoir assumer ses responsabilités.»

 

Devenir un personnage public, occuper un poste constitutionnel et être payé par les contribuables impliquent la nécessité d’être irréprochable. C’est une condition non négociable. «La personne qui accepte ce poste et prête serment  sait qu’elle sera jugée pour tout ce qu’elle et ses proches font. Et c’est son rôle de s’assurer que la population garde confiance en elle et le système qu’elle représente.»

 

Néanmoins, Tania Diolle estime que cette perception qu’il y a eu un jeu d’influence dans l’octroi du contrat à Sheila Hanoomanjee ne choque pas tout le monde. «Une partie de la population est habituée à ce genre de pratiques. Elle en bénéficie même, peut-être. À Maurice, on ne peut pas parler d’égalité des chances. Les politiciens en parlent beaucoup pendant la campagne électorale mais c’est tout.»

 

Transparence

 

Pour Said Ameerbeg, sociologue et psychologue, l’explication des réactions, parfois  hostiles, des Mauriciens autour de cette affaire de biscuit est beaucoup plus simple que ça.«C’est le propre de l’être humain de repérer les choses négatives chez son prochain, d’apprécier de voir l’autre en position difficile. Et avec la politique, ce besoin semble être décuplé. Qu’importe le gouvernement en place, ce serait la même chose.»

 

Face à ceux qui le dirigent, l’humain est plus exigeant et ne laisse donc rien passer (même pas une miette) : «Surtout quand il lui vient à l’esprit que, peut-être, enn mama inn protez so montagn. Pourtant, au duty-free, tous les prix sont élevés, c’est up-market, ce n’est pas la foire de Quatre-Bornes.» Mais la mairie, peut-être (voir hors-texte) ! 

 

La perte de popularité du gouvernement en place et la passation de pouvoir entre sir Anerood Jugnauth et son fils Pravind peuvent, également, expliquer cette animosité déclenchée à cause d’une histoire de biscuit. «Certains ont trouvé un défouloir. Ça doit être ça car le gouvernement fait certaines bonnes choses mais elles ne sont pas remarquées», confie celui qui dit ne pas avoir de préférence politique. 

 

Yashraj Bhudoye, président de l’association Youth Against Corruption (YAC), aurait souhaité, lui, que tout se fasse dans la transparence pour que cette histoire s’essouffle, pour que cette fâcheuse perception ne vienne plus plomber les discussions, qu’on s’assure que Sheila Hanoomanjee a vendu ses produits «à des prix inimaginables» sans bénéficier de passe-droits. Ça aurait été tellement simple comme ça. «Si au moins on avait le Freedom of Information Act, tous ces débats, lancés à partir d’hypothèses, n’auraient pas lieu d’être. Il est temps que nous puissions avoir accès à ces informations qui concernent tous les Mauriciens.»

 

Le jeune homme voudrait savoir, comme beaucoup d’autres personnes, estime-t-il,  comment Rum and Sugar, une compagnie récemment incorporée, a pu obtenir ce contrat de distribution (si toutes les procédures ont été respectées), comment a été calculé le prix de vente des produits proposés et comment il est possible que des biscuits, accessibles à toutes les bourses, deviennent du jour au lendemain des produits de luxe ? Lui a le feeling qu’il y a «magouille quelque part» et que les Mauriciens font bien de s’indigner. «Ce ne sont pas uniquement des produits pour touristes. Nous aussi nous avons accès à cette boutique.» Alors pour Yashraj Bhudoye, ce n’est pas much ado about a… «pake biskwi».

 


 

Les précisions de Sheila Hanoomanjee 

 

Dans un communiqué, la directrice de Rum and Sugar a tenu à apporter des précisions sur son affaire avant de conclure par cette phrase : «Quel que soit le nom que je porte, j’ai les mêmes droits que tout citoyen mauricien souhaitant exprimer les compétences et les aptitudes qui lui sont propres. Je dénonce ainsi fortement cette discrimination injuste et injustifiée que je subis uniquement à cause de mon patronyme.» Nous avons essayé de joindre Sheila Hanoomanjee ou un autre membre de sa famille pour plus d’éclaircissements, mais sans succès.

 

Ce qu’il fallait retenir de ces précisions : Sheila Hanoomanjee assure que toutes les procédures ont été respectées pour l’octroi de son contrat de diffusion et qu’elle a emprunté la route de n’importe quel entrepreneur – Elle est seule actionnaire et bénéficiaire des revenus au sein de Rum and Sugar – Ce n’est pas sa compagnie qui fixe le prix de vente de ses coffrets.

 


 

Les goûts de Quatre-Bornes

 

20 boîtes de biscuits de Rum and Sugar achetées par la mairie de Quatre-Bornes. C’est le maire de la ville des fleurs, Atmaram Sonoo lui-même, qui l’a annoncé lors de la réunion du conseil municipal, cette semaine. Par contre, ses propos, tenus sur Radio Plus, ont suscité la polémique : il a confié avoir goûté à ce produit et avoir décidé que les biscuits étaient bons. Puis, il a dit avoir proposé leur achat sans en connaître le prix. Pour le tarif, c’est le Procurement Committee de la mairie qui s’en serait chargé.