• Mama Jaz - Sumrrà : prendre des risques musicaux avec le jazz
  • Karine Delaitre-Korimbocus : Kodel, une nouvelle adresse dans le paysage de Belle-Rose
  • Oodesh Gokool, le taximan attaqué au couteau : «Mo remersie piblik»
  • Arrêté pour vol et possession d’objet volé - L’avocat Akil Bissessur affirme : «Mo ena kamera ki demontre tou»
  • Un conducteur ivre tue un motocycliste de 63 ans, à Haute-Rive - Rita, l’épouse de Harryduth Ghoorbin : «Mo misie pann resi trouv figir nou deziem ti zanfan»
  • Concours de beauté - Priyadarshi Dowlut : une Miss mauricienne en croisière
  • Moi, Ansley, ma passion pour la déco, mon combat contre le cancer et ma rage de vivre
  • Trois ans après le décès de 11 patients de l’hôpital de Souillac : le cauchemar des dialysés se poursuit
  • Le MSM s’active - Pravind Jugnauth à Camp-Ithier : «Il faut de la continuité et de la stabilité»
  • Opposition : une alliance fragilisée qui veut convaincre malgré tout

A Cité Bethel : SOS maisons… dangereuses

Comme chez Marc Robert Gaspard, plusieurs maisons et familles sont affectées par le problème chez Goviden Mootoosamy, Sugdev Gopaul, Marie Olivia Toulouse, Maisy Toulouse et Josiane Hoareau.

Elles s’effritent. Et les plafonds ne sont que barres de fer à nu. Et dans ces habitations, des familles tentent de survivre en attendant un coup de main.

L’étroite rue est silencieuse. Les maisons qui la bordent affichent fenêtres fermées et rideaux tirés. La cité semble déserte. Même la mélodie de la circulation, qui se joue à quelques mètres de là (sur la rue sortant d’Albion pour rallier Petite-Rivière), s’est perdue en route. Le coin est un peu perdu. Et le matin, à Cité Bethel, il n’y a pas l’animation des quartiers animés. Des instants de vie à partager. Des clichés à savourer : pas d’enfants pieds nus qui jouent au ballon, pas de tibaz domino sous un grand arbre. Pas de parfum de cari qu’on prépare pour le déjeuner… Heureusement qu’un jeune homme finit par sortir de chez lui. En quelques mots, nous lui parlons de notre quête : trouver ces familles qui vivent dans les maisons connues comme les ex-CHA dont les plafonds se détachent (à ce moment précis, nous ne connaissons pas l’ampleur des dégâts). Il ne perd pas une minute ; nous indique un itinéraire – qui convient à notre véhicule – alors que lui nous rejoint par le dédale des cours intérieures. 

 

Direction, la maison de Marc Robert Gaspard, la cinquantaine. Lui qui est né à Beau-Bassin, a suivi sa famille quand ses parents ont «gagn enn lakaz isi». C’était il y a plus de 30 ans. C’était un nouvel espoir, une nouvelle vie dans une maison neuve. Petite, certes (avec le temps, elle a connu des extensions). Mais qui était à eux. Être propriétaire, ça a quelque chose de magique. Mais le charme s’est envolé avec les premiers soucis.

 

«Mo bizin sove»

 

C’était il y a bien des années. Marc Robert Gaspard ne se souvient pas quand le premier morceau de crépi est tombé. Quand l’eau a commencé à s’infiltrer. Que la vie est devenue invivable dans ces maisons dès que la pluie tombe : «Mo bizin sove al kot mo frer. Enn mari stres.»

 

Debout dans son jardinet coquet, bien entretenu contrairement à la maison, Marc explique la fragilité de ces habitations. L’ancien maçon qui ne travaille plus «akoz enn maladi» s’y connaît : «Il n’y a pas de colonnes ni de bims, ce ne sont que des blocs croisés et ce n’est pas solide.» Des logements sociaux à moindre coût pour répondre à la pauvreté. Une solution qui n’a pas tenu face au temps qui passe. Aujourd’hui, la maison raconte l’histoire de ces années de problème : la structure qui s’affaisse, les fissures qui serpentent les murs. Et ce plafond qui est à nu, cette dalle qui s’est effritée – et qui continue à le faire – et qui fait pleuvoir sur les habitants des morceaux de béton. De la misère qui s’installe et qui brise les moindres efforts d’arranger les lieux. Sur ces murs extérieurs, la peinture qui s’est écaillée depuis longtemps et qui révèle une histoire de couches : du bleu, du rouge, du crème… de l’abandon. Reste le sali rouz qui apporte encore une touche de couleur.

 

Marc nous conduit chez son voisin qui ne sort plus vraiment depuis son attaque. Sur le toit de sa maison, des feuilles de tôle qui commencent à rouiller : «C’est fait pour empêcher que l’eau ne rentre.» Vaine tentative car, au final, les chambres concernées ont été condamnées. «Li ti pe tom lor latet», explique Sugdev Gopaul, 70 ans, en parlant de morceaux de crépi qui se détachent du plafond. Avec les années, il a agrandi sa maison, bout par bout, sacrifice par sacrifice. Quand il était à la maison. Le marin a eu une vie remplie, avec ses sept enfants et ses longues virées sur les bateaux de pêche pendant des mois. Heureusement qu’il a entrepris ces travaux, se dit-il. Sinon, aujourd’hui, il ne saurait pas dans so vie zour, comment s’en sortir.

 

Chez Maisy Toulouse, ça fait des années qu’on tente de stopper l’avancée des dégâts : «Quand mon mari était là, il mettait la kol sima au plafond. Mais il est mort depuis cinq ans. Donc, c’est vrai qu’on n’a rien fait depuis.» Le matin même, dit-elle, un morceau de plafond est tombé : «Enn gro bout.» Elle nous montre la structure en dur de la porte d’entrée qui menace de s’affaisser. Les fissures sont profondes. La veille au soir, la pluie s’est abattue sur cette région de l’île, s’infiltrant à travers les murs poreux et rendant la structure de la maison encore plus fragile : «À force, mes meubles se gâtent. C’est impossible de recevoir qui que ce soit ici.»

 

Chez Josiane Hoareau, on s’efforce aussi de faire de cette maison un endroit où il fait bon vivre. Mais malgré tout le soin, tous les efforts, l’habitation répond à une logique qui échappe au contrôle de la grand-mère. Il y a quelque temps, une de ses petites-filles a subi un choc électrique : «Elle marchait, il y avait de l’eau partout, on avait branché le rice cooker… Heureusement que ce n’était pas plus grave que ça.» Des souvenirs de moments difficiles, de bouts de plafond qui tombent à quelques centimètres de la tête, de catastrophes évitées de justesse, elle en a beaucoup. Marie Olivia Toulouse, qui n’habite pas très loin, se rappelle qu’une fois, dans le salon, sa fille tenait sa petite-fille qui venait de naître dans les bras : «Et là, un morceau de plafond est tombé, elle a protégé son enfant et elle s’est ouvert le front. Il y avait beaucoup de sang.»

 

Govinden Mootoosamy et sa fille Teerouvani Poteet vivent le même quotidien. «Dès qu’il pleut, je dois aller m’asseoir quelque part, je ne peux rester dans mon lit. Le plafond coule tellement», explique le père de famille. En s’installant ici en 2001 (il s’agit d’une maison prêtée par sa sœur), il pensait avoir trouvé un bout de bonheur. Mais dans cette habitation qui s’effrite, il n’entend que le silence de son désespoir.

 


 

Une visite ministérielle et un… espoir

 

Le ministre du Logement et des terres, Mahen Jhugroo, a fait une petite visite à Petite-Rivière, il y a quelques jours. En constatant l’état des 26 maisons de la cité, il a promis une aide pour l’achat de matériaux de construction et pour le remplacement de la dalle à travers la National Housing Development Corporation (NHDC). À la cité d’Albion, même constat et même proposition. Pour les habitants de Petite-Rivière, il s’agit là d’un espoir. Néanmoins, affirment-ils, ce n’est pas la première fois qu’on leur fait des promesses et c’est plus que la dalle qui doit être réparée. C’est la structure même des maisons.