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Barlen Munusami : «Pour beaucoup de familles, la vie s’arrête après un accident de la route»

Dans le sillage de la campagne #pourceuxquirestent, que nous avons lancée la semaine dernière, nous donnons la parole à Barlen Munusami, policier et professionnel sur plusieurs aspects de la sécurité routière. Il est aussi l’un de nos partenaires dans ce projet.

5-Plus a lancé la campagne #pourceuxquirestent afin de lutter contre les accidents de la route. Devrions-nous tous nous inquiéter de la situation ? 

 

Il y a une perception dans la société que la sécurité routière ne concerne que la police et le gouvernement. Quand il y a un accident, pour certaines personnes, c’est le gouvernement qui est en tort ou alors elles se demandent ce que fait la police. Quand on s’attarde sur la question de la sécurité routière, on s’aperçoit que l’une des causes principales des accidents, c’est l’erreur humaine qui prévaut dans 90 à 95 % des cas. C’est un fait que les études ont prouvé, que ce soit dans les pays développés, en voie de dévelopement ou sous-développés. Quand on analyse quelles sont les trois causes majeures des accidents, on constate qu’il y a l’erreur humaine, le problème d’infrastructures et les défauts mécaniques. Et vu le nombre de morts sur nos routes et les causes de ces accidents, il est primordial que tous s’inquiètent de la situation.

 

Quelles sont les principales causes d’accidents dans l’île ? 

 

Quand on demande à une personne ce qui cause un accident de la route, elle va vous répondre : boire et conduire, la vitesse ou encore le téléphone au volant. Et cela fait partie de ce que j’appelle l’erreur humaine. Elle englobe aussi la dangerous driving ou encore failing to comply with traffic signs. Les études attestent que 90 % des accidents sont causés par l’erreur humaine et que les 10 % restants sont causés par les problèmes d’infrastructures et les défauts mécaniques. Pour ce qui est des problèmes d’infrastructures, il y a le road design, l’absence de passages pour piétons et de marquages ou panneaux non-conformes aux normes, entre autres. En ce qu’il s’agit des défauts mécaniques, cela concerne, par exemple, un frein percé ou des roues défectueuses. C’est clair et c’est attesté par des études que l’erreur humaine est la cause principale des accidents sur nos routes. Par exemple, si la route n’est pas éclairée, un chauffeur ne peut pas venir dire qu’il y a un problème d’infrastructure ! Le chauffeur doit conduire de façon à «compensate» cet handicap sur la route. Un autre exemple : si quelqu’un emprunte la route de Chamarel et ses 52 contours, il doit conduire d’une façon correcte pour ne pas se mettre en danger. Si jamais il y a un accident, il ne faut pas que le chauffeur vienne dire que c’est un problème d’infrastructure et que c’est la faute du gouvernement ou de la police. Un chauffeur doit pouvoir adapter sa conduite à d’éventuels problèmes qu’il peut rencontrer sur la route. 

 

Qu’est-ce qu’un chauffeur responsable ?

 

La route est définie comme un espace social pour tous les usagers afin qu’ils se déplacent d’un endroit à un autre. En tant que citoyen, chacun a des droits mais aussi des responsabilités. Quand on parle de sécurité routière, cela ne concerne pas seulement la police et le gouvernement. C’est l’affaire de tout le monde, de la société civile en général. C’est l’affaire de tous les stakeholders : les assurances, les ONG et les compagnies de transport, entre autres. Il ne faut pas oublier que sur la route, il n’y a pas que des chauffeurs.

 

Pourquoi est-il important de s’engager dans la lutte contre les accidents de la route ?

 

À un certain moment, on est tous piétons sur la route et on ne délivre pas de licence à un piéton pour dire qu’il ou elle est apte à circuler. C’est pour cela que la sécurité routière doit être l’affaire de tous. On a une moyenne de 140 à 150 victimes tous les ans. Un accident peut toucher n’importe qui. Personne n’est à l’abri d’un accident ou de perdre un de ses proches sur nos routes. C’est pour cela qu’on doit tous être interpellés par le nombre de morts sur nos routes et surtout se sentir concernés par la sécurité routière. Mobilisons-nous et apportons notre contribution pour faire reculer les chiffres. 

 

La campagne initiée par 5-Plus, avec votre collaboration et celle d’autres personnes engagées dans le domaine, s’appelle #pourceuxquirestent, parce qu’un accident ne fait pas que des blessés graves. Que pensez-vous de cette initiative ?

 

Un accident de la route occasionne des coûts. Il y a le coût matériel, le coût social mais il y a surtout le coût émotionnel, notamment de ceux qui souffrent et qui perdent un proche à la suite d’un accident ou ceux qui souffrent parce que l’un des leurs est handicapé après un accident. C’est une souffrance pour la famille car elle doit changer sa façon de vivre, surtout si la personne devenue handicapée était le gagne-pain de la famille. Celle-ci devra alors faire face à de graves problèmes financiers. De l’autre côté, il y a la victime, c’est-à-dire, celle qui est handicapée. 

 

Dans plusieurs cas, il y a des scénarios où les victimes, après avoir été entourées peu après le drame, se retrouvent seules après quelque temps car leur prise en charge devient trop lourde pour les familles. Il y a aussi d’autres souffrances pour ceux qui restent. Il y a certains parents qui ont un enfant unique et qui ont vu leur rêve brisé à cause d’un accident de la route. Même si on dit que la vie continue après la mort, pour beaucoup de familles, la vie s’arrête après un accident de la route. Au fil de ma carrière, j’ai rencontré beaucoup de victimes et je peux vous dire qu’il y a très peu d’entre elles, quelques années après l’accident, qui ont leurs familles soudées autour d’elles. Il y a des chanceux certes mais pas beaucoup. Cela devient une souffrance additionnelle ajoutée à leur handicap. C’est pour cela que je soutiens cette campagne à 100 %. Quand nous sommes sur la route, il ne s’agit pas que de nous mais aussi de nos proches qui seront également et de plusieurs façons grandement affectés en cas d’accident.  

 


 

Bio express

 

Barlen Munusami, marié et père de deux enfants, a rejoint la force policière en 1989. Il détient un BSc en Police Studies, un certificate in Traffic Management and Road Safety, et un MA en communications et relations publiques. Il est un formateur en conduite offensive,road safety et traffic regulations. Maître conférencier, il anime régulièrement des causeries et des ateliers sur la sécurité routière. La version 2017-18 de son livre Guide complet du conducteur vient de sortir.