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Arrêtés pour blanchiment d’argent : Des proches de Peroomal Veeren dans la tourmente

Cet ancien gardien de prison  est soupçonné d’être un des fidèles lieutenants du trafiquant de drogue.

Plusieurs personnes ont été arrêtées ces derniers jours et accusées provisoirement de blanchir de l’argent pour le compte du trafiquant. D’autres seront amenées à s’expliquer dans les jours à venir. Le but des enquêteurs : mettre à mal coûte que coûte le réseau Veeren et boucler l’enquête sur les saisies record de 157 kg d’héroïne.

Des arrestations à la pelle. Les différentes enquêtes initiées sur le réseau du trafiquant notoire ont connu des rebondissements successifs ces derniers jours. Plusieurs de ses proches ont été appréhendés et inculpés provisoirement pour blanchiment d’argent. Les enquêteurs de la brigade antidrogue et de la commission anticorruption se sont basés notamment sur les informations présentes dans les «karne laboutik» de Peroomal Veeren, saisis lors de diverses fouilles dans sa cellule. 

 

Ces carnets ou répertoires contiennent des noms et des transactions qu’auraient menées celui qu’on surnomme le nouveau Pablo Escobar de Maurice. L’homme, qui purge une peine de 34 ans pour trafic de drogue, continuerait à tirer les ficelles d’un vaste réseau de trafic de drogue depuis la prison. Il serait même derrière l’importation des 157 kg d’héroïne saisis en trois occasions en mars dans le port. 

 

Cette semaine, ça a été au tour de Lucknarain Dookhit, plus connu comme Dinesh, de payer les frais de ses relations suspectes avec la bande de Peroomal Veeren. Arrêté le mardi 2 mai, il fait l’objet d’une charge provisoire de blanchiment d’argent. Outre cet aspect, la brigade antidrogue le soupçonne d’opérer une autre cellule de trafic de drogue pour le parrain Veeren, tout comme Navind Kistnah, et d’avoir fait l’acquisition de plusieurs objets contenant de la drogue.

 

C’est d’ailleurs suite aux dénonciations du courtier en douane Navind Kitsnah que les limiers ont procédé à l’arrestation de cet homme de 32 ans. Celui qui se serait occupé  de l’importation des 157 kg d’héroïne saisis en mars présente Lucknarain Dookhit comme un des fidèles lieutenants de Veeren. Cet ancien étudiant à l’université aurait tissé des liens avec le trafiquant par le biais de l’ancien garde-chiourme Oumeshlall Ramsarrun, qui n’est autre que son ex-voisin et partenaire en affaires. Ils dirigent ensemble un car wash à La Rosa qui pourrait être financé avec l’argent de la drogue.  

 

La commission anticorruption avait également signifié son intention d’interpeller Lucknarain Dookhit mais la brigade antidrogue a, semble-t-il, été plus rapide sur le terrain. Oumeshlall Ramsarrun a, lui aussi, été arrêté cette semaine, le jeudi 4 mai précisément, après s’être présenté de lui-même à la commission anticorruption. Cet homme de 45 ans faisait l’objet d’un avis de recherche depuis plusieurs jours. Les limiers le soupçonnent d’avoir fait l’acquisition de plusieurs engins de construction dédouanés par Navind Kistnah et qui auraient contenu de la drogue.

 

Son train de vie a également suscité la curiosité des enquêteurs. Il mènerait une vie de luxe et aurait effectué plus de 10 voyages en Afrique du Sud en quelques mois. Pays d’où les compresseurs contenant les 157 kg d’héroïne avaient été importés.

 

Documents compromettant

 

La commission anticorruption a mis la main sur des documents compromettants lors d’une descente chez sa compagne Bibi Maitab Phutully à Glen-Park. Âgée de 32 ans, elle fait elle aussi l’objet d’une charge provisoire de blanchiment d’argent depuis la semaine dernière pour avoir acheté un bungalow pour plus de
Rs 6 millions à Flic-en-Flac. Bungalow qu’elle loue, dit-elle, à Khalid Ameer, le beau-frère de Peroomal Veeren. Pressée de questions par les enquêteurs sur ses biens acquis de façon douteuse, la jeune femme a répondu qu’elle a  puisé dans ses économies. 

 

Bibi Maitab Phutully a raconté qu’elle a amassé beaucoup d’argent du temps où elle était engagée dans la prostitution. Elle a été escort girl pendant plusieurs années, dit-elle, lorsqu’elle vivait à Dublin, en Irlande. Mais ses explications n’ont pas convaincu la commission antidrogue qui pense qu’elle blanchit l’argent provenant du trafic de drogue. D’autant qu’elle est la compagne d’Oumeshlall Ramsarrun. Elle a dû fournir une caution et signer une reconnaissance de dette pour retrouver la liberté conditionnelle. 

 

Oumeshlall Ramsarrun, pour sa part, devra s’expliquer notamment sur les objets retrouvés chez lui, suspectés d’avoir contenu de la drogue. Le même genre d’objets avait été d’ailleurs saisi chez Zafira Ameer, la femme de Peroomal Veeren, à la rue Alma, à Vallée-Pitot. Cette dernière avait été arrêtée en février après les dénonciations du travailleur social Ally Lazer et fait également l’objet d’une charge provisoire de blanchiment d’argent. Chez elle, les limiers de la commission anticorruption avaient mis la main sur une BMW et une Nissan Juke, entre autres. 

 

Les enquêteurs avaient également saisi trois motos et une grosse somme d’argent avoisinant les Rs 500 000. Une partie était en devises étrangères, dont des euros. Cette perquisition avait été effectuée pendant son absence. Son frère Khalid et sa tante Afroz Peerbux, présents à ce moment-là, ont eux aussi été arrêtés pour blanchiment d’argent. Ces deux proches de Peroomal Veeren ont également dû fournir une caution et signer une reconnaissance de dette pour retrouver la liberté.

 

«Tousala fos»

 

Interrogée par 5-Plus, Zafira Ameer n’a pas voulu s’attarder sur toute cette affaire :«Je suis effectivement mariée à Peroomal Veeren. Mo latet mari fatige ek tou sa bann zafer pe deroule la. Dimunn pe dir buku kitsoz fos.» Son père, rencontré à Vallée-Pitot, la défend aussi avec force : «Tousala foss. Mo tifi inn montre bann misie prev me zot kontinie fatig li. Si vremem mo tifi ti dan trafic ladrog mo pa ti pu res dan enn vie lakaz tol.» Le vieil homme nous apprend tout de même que son ex-épouse, la mère de Zafira, est actuellement en prison pour une histoire de drogue. 

 

En tout cas, concernant les proches de Peroomal Veeren, la commission anticorruption ne lâche pas prise. D’autres personnes soupçonnées de blanchir de l’argent pour le compte de Peroomal Veeren seront appelées à s’expliquer. L’une d’elles est Christelle Bibi, arrêtée il y a environ deux semaines et inculpée elle aussi pour blanchiment d’argent. Selon des sources proches de l’enquête, son magasin à Curepipe a un chiffre d’affaires de plus d’un million de roupies mais ouvrirait seulement une fois la semaine. Cette habitante d’Eau-Coulée, âgée de 27 ans, serait très proche de Peroomal Veeren à qui elle rendrait visite à la prison tous les 15 jours. La jeune femme sera entendue, une fois de plus, ce lundi 8 mai. 

 

Elle n’a pas souhaité faire de commentaires sur les instructions de son avocat Zakir Mohamed. Mais ce dernier explique : «La police n’a pas fini de prendre la déposition de ma cliente. Elle ne peut rien vous dire pour ne pas pervertir l’enquête. C’est toutefois faux de dire qu’elle ouvre son commerce seulement une fois la semaine. Elle a aussi fourni des documents relatifs à ses revenus. Elle rend visite fréquemment à Peroomal Veeren pour une raison précise. C’est en lien avec une promesse faite à la défunte mère de ce monsieur avec qui elle était en très bons termes.»

 

Une autre proche du trafiquant, Annette Gooljaury, a également été arrêtée pour blanchiment d’argent. Cette habitante de Floréal est soupçonnée de blanchir de l’argent pour le trafiquant dans le restaurant qu’elle gère à Mahébourg. La commission anticorruption avait effectué une descente chez elle. Sur place, plusieurs bijoux en or massif ainsi qu’une grosse somme d’argent ont été retrouvés. Elle avait comparu devant le tribunal de Port-louis avant d’être libérée sous caution. 

 

Durant la semaine écoulée, toujours dans le cadre de l’enquête sur le réseau Peroomal et les saisies de 157 kg d’heroïne, les limiers basés à Réduit ont également perquisitionné deux casinos à Vacoas et à Goodlands appartenant au même propriétaire. Les enquêteurs soupçonnent ce dernier de blanchir de l’argent provenant du trafic de drogue pour le directeur d’un bureau de change basé à Port-Louis. Cet ancien banquier sera bientôt invité à s’expliquer sur ses nombreux déplacements en Afrique du Sud avec de grosses sommes d’argent en devises étrangères. 

 

Il aussi très proche de Dade Azaree qui est également dans le collimateur de la commission anticorruption. Le directeur de Gloria Fast Food Ltd fait déjà l’objet d’une charge provisoire de blanchiment d’argent.  Il est soupçonné d’avoir fourni une grosse somme d’argent qui aurait servi à financer l’achat des 157 kg d’héroïne. Lors de son interrogatoire, il n’a pu justifier la provenance d’une somme de Rs 225 000 qu’il a dépensée au Grand Casino du Domaine les Pailles où il avait ses habitudes.

 

Les jours à venir ne seront pas de tout repos par les enquêteurs de la commission anticorruption et ceux de la brigade antidrogue. D’autres suspects seront interpellés. La commission d’enquête sur la drogue va également poursuivre ses travaux. Toutefois, l’absence de communication entre les enquêteurs des trois équipes peut jouer contre eux dans la mesure où chacun fait cavalier seul. Ils gagneraient certainement à unir leurs forces pour boucler l’enquête sur les saisies record d’héroïne dans le port en mars et leurs ramifications incroyables.

 


 

Comment l’argent de la drogue est blanchi

 

Maurice ne déroge pas à la règle. Dans tous les pays, il y a une économie blanche et formelle, et une économie noire générée en grande partie par l’argent du trafic de drogue. L’arrestation de plusieurs suspects pour blanchiment d’argent après les saisies record de 157 kg d’héroïne dans le port en est la preuve. Les trafiquants ne manquent pas d’astuces pour redonner une «virginité» à l’argent sale. «Ils trouvent toujours un moyen pour arriver à leurs fins», confie Ally Lazer.

 

Le moyen le plus populaire pour le faire est de faire passer l’argent sale dans les caisses d’un commerce complice, nous dit le travailleur social. Une source à la Mauritius Revenue Authority le confirme : «C’est très facile de le faire car il n’y a rien de plus simple que de falsifier les comptes d’un commerce où les clients paient en liquide. Il suffit juste de mélanger les billets d’argent sale au reste de la caisse, et de tricher un peu sur la comptabilité, tout cela, pour blanchir l’argent sale.»

 

Les exemples ne manquent pas. Les plus courants sont les snacks, restaurants, boutiques de vêtements, magasins de pièces de rechange de véhicules et compagnies de location de voitures ou de bungalows. Les petits commerces qui poussent un peu partout comme des champignons et parfois dans des recoins où ne passe presque aucun client sont aussi souvent le fruit du blanchiment d’argent. Pour la petite histoire, le terme blanchiment d’argent tire son origine des blanchisseries que dirigeait, entre autres, le mafieux Al Capone à Chicago, au début des années 1930. 

 

Une autre façon de blanchir l’argent sale, c’est à travers les casinos ou encore les courses hippiques où les paris et l’argent qui coule à flots s’y prêtent. Dans un entretien accordé à notre confrère Ally Mohedeen de L’express Turf, en avril 2016, Guillaume Ollivry, directeur de la Financial Intelligence Unit (FIU) – qui venait de prendre ses fonctions –, disait d’ailleurs que «les courses sont vulnérables face aux tentatives de blanchiment d’argent dans un milieu à haut risque».

 

Un an plus tard, c’est toujours d’actualité. «Le blanchisseur recherche de la légitimité du bookmaker licensed by the Gambling Regulatory Authority. C’est pour cela qu’il faut une réglementation solide pour empêcher que les bookmakers légitimes soient utilisés comme machine à laver pour l’argent sale et s’assurer que le Champ de Mars reste aussi cleanque possible», disait encore Guillaume Ollivry.

 

Pour lui, ce combat est indispensable : «La démarche de la FIU n’est pas de viser les gros parieurs parce qu’ils parient gros. Tant que l’argent est propre, on en a que faire de la somme pariée. Notre objectif est de réduire l’incidence du blanchiment dans notre juridiction, pas d’empêcher les gens de jouer aux courses.»

 

La proximité de Navind Kistnah, l’importateur des 157 kg d’héroïne avec plusieurs personnes fréquentant le Champ de Mars ainsi qu’un directeur de casino tend à démontrer ces relations incestueuses entre blanchiment d’argent, courses hippiques et casinos. Les maisons de jeux sont justement l’autre option privilégiée par les trafiquants pour blanchir l’argent émanant de leur trafic illicite. 

 

«Le trafiquant se rend régulièrement au casino où il a ses habitudes pour blanchir son argent. À titre d’exemple : il échange la somme à blanchir contre son équivalent en jetons. Il fait ensuite semblant de jouer avant d’aller rendre ses jetons pour récupérer son argent en liquide, soit en chèque. La direction de la maison de jeux lui délivre alors un bon de versement qui justifie d’où viennent ses fonds», nous indique une source au sein de la commission anticorruption. 

 

L’autre option privilégiée par les trafiquants est l’investissement dans l’offshore. En clair : il s’agit de mettre son argent dans un paradis fiscal offshore par le biais des prête-noms. Les trafiquants mettent aussi sur pied des compagnies fictives à l’étranger. Certains s’engagent également dans des achats immobiliers pour blanchir leur argent sale. Ils achètent des maisons ou des bungalows et autres commerces pour les revendre quelque temps plus tard afin d’encaisser l’argent dit propre. L’achat de voitures de luxe est aussi une façon de blanchir le black money.

 

Les limiers de la FIU et ceux de la commission anticorruption ne sont cependant pas dupes. Plusieurs suspects sont déjà dans leur collimateur. Certains seront également appelés à s’expliquer devant la commission d’enquête sur la drogue. Alors que d’autres qui y sont déjà passés feront l’objet d’éventuelles poursuites, comme cette employée de maison qui roule en BMW et qui a été interrogée il y a quelques semaines.

 


 

L’interrogatoire de Kistnah se poursuit

 

Sa collaboration est très appréciée jusqu’ici par la brigade antidrogue. Navind Kistnah, l’importateur présumé des 157 kg d’héroïne, n’a pas encore fait tomber des grosses têtes comme promis mais a permis aux limiers de commencer à voir plus clair dans ce réseau qui serait dirigé par Peroomal Veeren. Tout laisse croire que le suspect va faire le grand déballage lorsqu’on lui garantira l’immunité totale. Le DCP Bhoyjoo supervise toujours l’enquête avec la collaboration du SP Azima et des ASP Ramgoolam et Hosseny. 

 

Ces derniers poursuivront son interrogatoire cette semaine en présence de ses avocats Rama Valayden et Neelkant Dulloo. Le suspect est toujours en détention dans une cellule au quartier général de la brigade antidrogue. Des officiers de la Special Supporting Unit font le guet devant la cellule 24 h/24. Et il n’y a que les hauts gradés qui sont autorisés à lui parler. Des mesures prises pour assurer la sécurité du détenu. «Notre client est mieux protégé que le Premier ministre», souligne Me Dulloo.