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Anushka Virahsawmy : «Trop de personnes considèrent un Protection Order comme étant banal»

«Ce n’est pas la première fois qu’on entend une telle chose, c’est-à-dire qu’une femme succombe sous les coups de son époux. Et c’est encore pire quand la victime avait un Protection Order», confie Anushka Virahsawmy, directrice de Gender Links. Dans l’entretien qui suit, elle parle de la nécessité de «revoir toute la structure, tout le mécanisme autour du Protection Order».

Umwatee Somah, 34 ans, est décédée dimanche soir après avoir reçu plusieurs coups de couteau de son époux. Que ressentez-vous lorsque vous entendez pareille nouvelle ?

 

Je ressens beaucoup de colère. Ce n’est pas la première fois qu’on entend une telle chose, c’est-à-dire qu’une femme succombe sous les coups de son époux. Et c’est encore pire dans ce cas-là, parce que la victime avait un Protection Order. C’est triste d’entendre ce genre de drames. Cela me rend même malade. Notre système de protection des victimes de violence domestique n’est pas assez solide. 

Prenons en exemple une personne qui frappe son ou sa conjointe – car cela peut arriver dans les deux sens. Si la personne qui est battue décide d’avoir recours à un Protection Order, c’est qu’elle est arrivée à un moment où elle n’en peut plus. À travers un Protection Order, elle est donc venue chercher de l’aide et attirer l’attention sur ce qui lui arrive. 

 

À quoi sert un Protection Order ?

 

Il vise à mettre une victime de violence en sécurité. C’est-à-dire à l’éloigner du perpetrator (homme ou femme) qui use de la violence. Normalement, le Protection Order donne une protection à la victime pour que la personne violente ne puisse plus l’approcher. Mais dans le cas cité plus haut, l’auteur n’a eu que faire de cet ordre. Et c’est là qu’il y a un gros problème. Ce qu’il faut préciser, c’est qu’une personne n’a pas à attendre d’être victime de coups à plusieurs reprises pour avoir recours à un Protection Order. Dès qu’une personne est battue, elle doit aller à la police pour faire une déposition. La police contactera par la suite le ministère concerné pour enclencher les démarches qui mèneront au Protection Order

 

Il y a donc une faille dans cette façon de faire ?

 

Absolument ! Quand une personne est victime de violence domestique, il n’y a aucune institution, aucune mesure qui oblige l’auteur à faire un travail sur lui-même, à réaliser et à comprendre que ce qu’il/elle a fait est mal et que c’est punissable. Cette personne doit aussi se rendre compte qu’elle doit se faire soigner et peut-être avoir un suivi psychologique. Car ce n’est pas normal de faire acte de violence sur une autre personne et de le faire à plusieurs reprises. Si cela arrive, c’est qu’il y a un problème quelque part. En l’absence de cette nécessité d’avoir un suivi avec l’auteur, on s’aperçoit que cette personne, dans bien des cas, récidive. Tout bonnement parce qu’il n’y a pas eu de prise en charge de cette personne quand le Protection Order a été délivré. Une personne qui a commis un acte de violence sur son/sa conjoint(e) et sur qui pèse un Protection Order ne peut pas rester comme ça en société.  

 

Ce n’est hélas pas le premier cas où un Protection Order n’est pas respecté et se termine par un décès…

 

Voilà un cas de plus où le perpetrator a récidivé tout bonnement parce que rien n’a été fait au moment où le Protection Order a été réclamé. Il y a récemment eu une formation dispensée par le ministère de Gender Equality, en collaboration avec l’ambassade américaine. C’était très intéressant et constructif, avec plusieurs participants : la police, des personnes du ministère et des membres d’ONG. Le workshop date de trois semaines et depuis, on n’a rien entendu de ce qui a été décidé ou de ce qui découle de cette rencontre. J’espère vraiment que des choses concrètes seront dégagées. J’espère aussi, de tout cœur, qu’il y aura des changements. On ne peut à chaque fois venir dire qu’on va changer les lois. Voyons ce qui se passe avec le Protection Order. Trop de personnes le considèrent comme étant banal. 

 

Que faut-il faire pour changer cela ? 

 

Il faudrait une Cour de justice qui s’occupe uniquement des cas de violence domestique. Certaines personnes disent que ces cas de violence existent dans le monde entier. Mais ces personnes doivent se rendre compte que Maurice est un petit pays, avec une population de 1,3 million d’habitants. Ce n’est pas normal d’entendre autant de cas. C’est pour cela que je dis qu’il faut vraiment s’attaquer au problème. Et non pas juste coller un sparadrap sur le problème, comme on aurait fait sur un petit bobo. C’est pour cela que je suis pour la création d’une Tribunal afin de traiter spécifiquement des cas de violence domestique. Le problème n’est pas traité comme il le faut. C’est, selon moi, ce qui explique pourquoi il perdure d’année en année, de cas en cas. On ne fait que mettre un pansement sur ce mal qui ronge notre société. Il faut crever l’abcès. 

 

Pourquoi le problème a-t-il perduré ?

 

Je ne vais pas dire à qui revient la faute. On ne peut pas mettre un policier dans chaque maison. Mais il est primordial de prendre en charge chaque personne sur qui pèse un Protection Order. C’est ainsi qu’on va s’assurer que l’auteur ne va pas récidiver. Il faut une institution qui le suit. Dans certains pays, on oblige l’auteur à porter un bracelet électronique. On peut alors le suivre à la trace. C’est une bonne façon de lui montrer qu’on l’a à l’œil. C’est aussi une façon de le dissuader de repasser à l’acte. Certes, il y a des pour et des contre sur cette façon de faire. Dans certains pays, ça marche, dans d’autres, on parle des droits humains qui sont bafoués. On n’en est pas encore là à Maurice mais il faut trouver des solutions. C’est pour cela que c’est primordial qu’il y ait une institution pour prendre en charge ces personnes. Avec cette instance, il y aura un suivi et un encadrement. Si une personne ne peut contrôler ses pulsions, c’est qu’elle doit se faire soigner. 

 

Et qu’en est-il des victimes ?

 

Souvent, quand une personne a recours à un Protection Order, elle se retrouve à devoir aller dans un shelter. C’est elle la victime et c’est à elle de partir. Ce n’est pas normal. Dans bien des cas, quand un auteur sait qu’il y a un Protection Order contre lui, il cherche la moindre occasion pour se venger. Ce qu’il faut, ce n’est pas lui donner cette occasion. Ce qu’il faut, c’est revoir toute la structure, tout le mécanisme autour du Protection Order.

 

Bio express

 

Anushka Virahsawmy possède un Masters in Education et un Honours Degree  en communication et design de Cambridge, au Royaume-Uni. Elle a travaillé en Angleterre et en Grèce en tant que responsable du marketing et des communications, et comme Corporate Citizenship pour Accenture de 2008 à 2010. Elle a un riche parcours professionnel – Talent Strategist and Leadership & Professional Development Lead, entre autres. En tant que Country Manager de Gender Links, elle est souvent sollicitée pour parler de la violence basée sur le genre (GBV) dans les écoles, les entreprises privées, les universités et les médias. 

 

Gender Links : un combat

 

Le bureau de Gender Links à Maurice a été enregistré en 2008. Il est dirigé par la Country Manager Anushka Virahsawmy. Le bureau fournit un soutien dans les domaines du plan d’action pour les médias sur le VIH et le sida, la formation des gouvernements locaux et le déploiement des plans d’action pour l’égalité des sexes, entre autres. Gender Links Mauritius est une académie de formation agréée et offre une formation agréée par la Mauritius Qualifications Authority. Anushka Virahsawmy est formatrice approuvée par la MQA dans les cours de leadership, de perfectionnement professionnel et personnel. Pour plus d’infos, renseignez-vous au 437 3960 / www.genderlinks.org.za ou sur Facebook Gender Links Mauritius.