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Amina Barkatoolah : «Les personnes âgées sont un ensemble de ressources qu’il faut utiliser»

Le monde observera, jeudi, la Journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes âgées. Pour l’occasion, Amina Barkatoolah, la responsable de recherche de l’Université du troisième âge, nous parle de l’étude sur la solitude des personnes âgées, qui démarre bientôt. 

La question de la solitude est récurrente chez les personnes âgées. Pourquoi selon vous ?

 

Très souvent, on s’occupe beaucoup du bien-être physique des personnes âgées. C’est le cas notamment dans les maisons de retraite, par exemple. On s’occupe d’elles, on leur donne à manger. Il y a également des activités. Mais il y a quand même des personnes qui se sentent délaissées. Quand on arrive à la retraite, on n’a plus affaire à un cadre professionnel. Le contexte familial n’est pas non plus le même. Nous sommes à Maurice dans une société en transition. On est passé de la société traditionnelle, où les parents vivent avec leurs enfants, c’est-à-dire de la famille étendue, à une famille nucléaire. Les enfants ont leur vie et vivent séparés de leurs parents. Il y a un sentiment de manque de communicationet d’affection. Il y a aussi le facteur des jeunes qui travaillent et qui n’ont plus le temps. Beaucoup de ces personnes du troisième âge se sentent alors inutiles. Il y a donc un sentiment de manque d’affectivité.

 

Est-ce que cette solitude joue sur la santé de ces personnes ?

 

La santé physique et la santé psychologique sont liées. Quand on se sent bien dans sa tête et dans son corps, tout va bien. Et c’est le cas qu’on soit jeune ou plus âgé. Donc oui, cela a un impact.

 

Est-ce à partir de ce constat que vous entamez bientôt une étude sur la solitude ?

 

Quand on m’a proposé de mettre en place un projet de recherche concernant les seniors, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir faire. Quel sujet j’allais pouvoir approfondir. Il y a plusieurs sujets qui touchent les personnes âgées : il y a, par exemple, la santé. C’est ainsi que j’ai d’abord fait une enquête préliminaire et que je me suis intéressée à la solitude chez nos seniors. Il s’agit là de la perte de sens dans la vie et c’est très psychologique. Il s’agit d’une perte de repères, qui peut aboutir à une dépression. 

 

Où en est cette étude ?

 

Nous sommes en train de travailler dessus. J’ai déjà rédigé une proposition que je vais bientôt présenter. De là, on va aller de l’avant avec l’étude en travaillant notamment avec les ONG, des associations socioculturelles, des day-care centres, des entreprises ou encore des maisons de retraite. J’ai déjà approché des maisons de retraite et j’ai déjà une idée sur le sujet. Je viens de lire un document venant des Etats-Unis, qui atteste que plus de 30 % des personnes âgées, c’est-à-dire des personnes qui ont plus de 60 ans, travaillent encore. Ils ont la capacité de le faire et on leur donne l’occasion de le faire. Pour Maurice, il y a 24 500 personnes de 60 à 64 ans qui travaillent encore, selon un article que j’ai lu. De ce total, il y a 16 000 hommes et 8 500 femmes. Il y a aussi quelque 12 000 personnes de 65 ans et plus qui travaillent encore. Ces personnes ont la capacité physique de pouvoir continuer à travailler, certes, si on leur donne des moyens. Pour elles, c’est psychologiquement bénéfique, sans oublier le fait qu’en fin de compte, la société aussi en bénéficie. Avec cette étude, on veut faire en sorte que les personnes âgées ne soient plus vues comme une masse de problèmes, comme des fardeaux, mais davantage comme une ensemble de ressources qu’il faut utiliser. 

 

C’est-à-dire ?

 

Ces personnes ont généralement beaucoup de savoir-faire. Elles sont les dépositaires de plusieurs connaissances qu’elles peuvent transmettre à des jeunes. J’ai vécu longtemps en France. Là-bas, il y a ainsi une instance qui s’appelle Les compagnons du devoir. Il y a des personnes aguerries dans des domaines particuliers et qui, au fur et à mesure, transmettent aux jeunes qui n’ont pas de métier, leur savoir-faire. Elles les aident à s’insérer dans un secteur professionnel. Je dirais qu’on a bien besoin de ce concept pour l’employabilité à Maurice. Il n’est pas question que les personnes âgées prennent la place des plus jeunes. Loin de là. Ces personnes auront un rôle utile. Les jeunes sans expérience peuvent voir ces personnes comme des mentors. Ces seniors peuvent non seulement transmettre un savoir-faire mais ils pourront aussi transmettre un savoir-être et cela, rien qu’en partageant leur expérience. Le but de l’étude, c’est que ces seniors deviennent des role models pour la société.

 

Est-ce que cette façon de faire a fait ses preuves ?

 

Oui, ça marche en France par exemple. Il y a ce qu’on appelle la collaboration «transgénérationnelle». C’est faire en sorte que les seniors rencontrent les jeunes. Ils communiquent et font beaucoup de choses ensemble en créant des liens sociaux.  

 

Vous êtes responsable de recherche à l’Université du troisième âge. Vous côtoyez donc des personnes âgées. Comment cela se passe-t-il ?

 

C’est nouveau. L’Université du troisième âge a quatre ans d’existence. L’organisme a essayé de mettre en place beaucoup de choses pour les seniors. Il y a des sorties et des cours de yoga entre autres. Il y a des activités qui les occupent et ils peuvent aussi rencontrer d’autres seniors. Avec l’étude sur la solitude, on veut aller plus loin et instaurer une dimension «transgénérationnelle», entre nos aïeuls et les plus jeunes.  

 

Quel constat faites-vous de la situation des personnes âgées dans l’île ?

 

Je suis nouvelle sur le sujet mais il reste encore beaucoup à faire. J’ai noté que les gens vivent de plus en plus de manière cloisonnée. Mais c’est normal car la société passe par une phase de transition. Je suis allée à la conférence internationale sur le troisième âge à Osaka, au Japon, l’année dernière, en octobre, et j’ai été interpellée par une intervention d’un délégué chinois qui connaît le même problème : la solitude et l’isolement. Cela, même si en Chine, la famille a une place importante. Alerté, le pays est un train de mettre en place un système pour augmenter l’interaction entre les jeunes, les moins jeunes et les personnes âgées. 

 

Dans le dernier Budget, le Premier ministre et ministre des Finances annonce la création de deux maisons d’accueil pour le troisième âge. Vous en pensez quoi ?

 

J’accueille favorablement cette annonce parce qu’on en a besoin. Mais je dirais qu’il faut aller plus loin que leur donner à boire et à manger. S’occuper de leur santé, c’est bien mais il faut trouver d’autres moyens pour qu’ils sentent que leur vie a un sens, même après la retraite. 

 

Jeudi prochain, le monde observera la Journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes âgées. Est-ce une réalité à Maurice ?

 

C’est un problème auquel il faut s’attaquer. Il y a la maltraitance physique mais aussi psychologique. Et c’est hélas un fait qui existe. 

 


 

Bio express

 

Amina Barkatoolah a débuté sa carrière comme enseignante d’anglais dans les années 70. Elle a parcouru le monde à la demande du ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle en France, et a étudié l’efficacité de la mise en pratique de la validation des acquis en période de chômage. Elle a également été experte consultante en matière d’employabilité auprès d’organismes français et internationaux. Détentrice d’un doctorat en sciences de l’éducation, elle a travaillé pour l’Unesco et a enseigné à la très réputée École supérieure de Paris.