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Agression mortelle du boutiquier Shiam Krisna Ramgoolam | Son fils Arvinsingh : «Je regrette de n’avoir pu le sauver»

C’est devant la boutique familiale à Vallée-des-Prêtres que l’attaque a eu lieu.

Il a rendu l’âme au bout de trois jours. Shiam Krisna Ramgoolam, 70 ans, plus connu dans sa localité sous le nom de Bhai Sookdev, n’a pas survécu à l’agression sauvage dont il a été victime devant son commerce le vendredi 13 juillet. Son fils, agressé également, et sa femme, témoin du drame, reviennent sur cette terrible tragédie qui les bouleverse à jamais…

Dire adieu à son père. C’est un moment qu’il n’aurait raté pour rien au monde. C’est donc sur une civière, escorté par des médecins et policiers, qu’Arvinsingh Ramgoolam, dont l’état de santé inspirait encore de vives inquiétudes ce jour-là, a assisté aux funérailles de son père Krisna, le mercredi 18 juillet. Un moment douloureux qu’il a partagé avec de nombreux autres proches – dont sa mère et sa sœur –, connaissances et anonymes. Après une vingtaine de minutes, il a dû repartir à l’hôpital où il est admis depuis le vendredi 13 juillet.

 

Ce jour-là, son père et lui ont été sauvagement agressés devant leur boutique My Friend, à Vallée-des-Prêtres, par des voleurs présumés. Hélas, Shiam Krisna Ramgoolam, 70 ans, homme très apprécié dans sa localité que tous appelaient affectueusement Bhai Sookdev, a succombé à ses blessures trois jours plus tard, soit le lundi 16 juillet. Un drame qui suscite chagrin, consternation et indignation.

 

Les images horribles de cette soirée, Arvinsingh Ramgoolam, 40 ans, n’arrive pas à se les sortir de sa tête. Elles sont gravées au fer rouge dans son esprit. L’homme gardera visiblement pendant longtemps les séquelles, tant émotionnelles que physiques, de cette agression. Toujours admis à l’Intensive Care Unit (ICU) de l’hôpital Jeetoo depuis, il fait peine à voir avec ses multiples blessures aux bras, aux jambes et à la tête. C’est avec beaucoup de difficulté qu’il revient sur cette soirée fatidique où le cours de sa vie et celui de ses proches ont été à jamais chamboulés.

 

Vendredi 13 juillet, 21h30. Arvinsingh aide son père dans le commerce familial annexé à leur maison lorsqu’un individu s’y est pour leur acheter une boisson. Il était suivi de près par un autre homme qui est au téléphone. «Je ne leur ai pas prêté attention car, à première vue, ils n’avaient pas un comportement suspect. Je les ai prévenus qu’il était tard et que j’allais bientôt fermer le commerce. Quelques minutes plus tard, ils sont tous les deux partis après m’avoir remis ce qu’ils me devaient.» Mais grande était sa surprise au moment de baisser les volets. «Je suis tombé sur l’un d’eux. Il portait une sorte de bonnet qu’il a immédiatement rabaissé sur son visage pour le couvrir. Il s’est ensuite jeté sur moi et m’a attaqué avec une bombe lacrymogène.Puis, lorsqu’il a aperçu mon père, il m’a laissé pour s’en prendre à lui.»

 

Mare de sang

 

C’est alors que le complice du malfaiteur a fait son apparition et agressé violemment Arvinsingh à l’aide d’un sabre. Ce dernier s’est donc retrouvé dans l’incapacité de défendre son père qui recevait lui aussi plusieurs coups de sabre de son assaillant. «Je n’ai pas été capable de me relever. Je regrette de n’avoir rien pu faire pour sauver mon père», lance amèrement Arvinsingh.

 

Le quadragénaire n’est pas l’unique personne à être à jamais traumatisée par les images de cette agression. Sa mère, Bindumantee Ramgoolam, 64 ans, a aussi été témoin du drame. «J’étais à l’intérieur quand j’ai entendu du bruit. Lorsque je suis sortie, j’ai vu mon fils sur le sol qui encaissait des coups. Je n’ai pas pu appeler à l’aide car j’avais peur d’être agressée à mon tour», nous raconte-t-elle quand nous la rencontrons chez elle. Elle est restée cachée, la peur au ventre, jusqu’à ce que les agresseurs prennent la fuite sans rien emporter de matériel car l’attaque avait attiré l’attention d’autres habitants de la localité. Ils ont alors abandonné père et fils à leur sort.

 

«Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai réalisé que mon époux avait aussi été agressé. Il gisait sur le sol, dans une mare de sang à l’extérieur de la boutique. Il avait perdu connaissance.» Tandis que son fils, grièvement blessé lui aussi, avait utilisé ce qu’il lui restait d’énergie pour se réfugier à l’intérieur. «Je n’avais jamais vu autant de sang de toute ma vie. L’entrée, les murs et la salle à manger, juste à côté de l’entrée de la boutique, en étaient recouverts. Mon fils a eu tellement peur qu’il m’a demandé de fermer la porte et de n’ouvrir à personne», relate-t-elle, très secouée.

 

Quelques minutes plus tard, le beau-frère et le neveu de Bindumantee Ramgoolam sont arrivés sur place et ont transporté les blessés à l’hopital Jeetoo, accompagnés de la sexagénaire. «Les médecins ont tout de suite réalisé que leurs blessures étaient graves et qu’il faudrait les faire admettre au département des soins intensifs au plus vite», raconte Bindumantee. À son grand regret, elle n’a pu faire ses adieux comme elle l’aurait souhaité à l’homme qui partageait sa vie depuis bientôt 41 ans avant qu’il ne pousse son dernier soupir. «Je l’avais imploré d’ouvrir les yeux et de me regarder une dernière fois lorsque les médecins l’ont conduit en salle mais il ne l’a jamais fait», pleure-t-elle. Il est resté dans le coma jusqu’au moment de sa mort. «Si la maladie l’avait emporté, cela aurait été beaucoup plus facile pour moi de l’accepter. Mais personne n’avait le droit de lui ôter la vie de cette façon», déplore son épouse.

 

Depuis le drame, Bindumantee n’a plus d’appétit et ne trouve plus le sommeil. Il en est de même pour son fils qui est obligé de prendre des psychotropes pour pouvoir fermer les yeux quelques heures et oublier ces horribles images pour quelques instants. De plus, Binduwantee s’est réfugiée pour quelque temps chez son beau-frère et sa belle-sœur – qui vivent à quelques mètres de son domicile – car elle craint pour sa sécurité. «Cette boutique est notre gagne-pain. Mais je ne serai même pas en mesure de l’ouvrir pour le moment. Du moins, pas avant le retour de mon fils.»

 

Son souhait le plus cher aujourd’hui est que ce dernier se rétablisse rapidement. «Je ne supporterai pas de perdre un autre être cher.» Mais on dirait qu’elle n’a aucun souci à se faire de ce côté. Car d’après les médecins, Arvinsingh serait hors de danger. «Mo priye Bondie pou ki li donn mwa couraz. Parski si ou pa solid apre seki finn arive ou perdi la tet», lâche Bindumantee.

 

Des projets

 

Mariés depuis de longues années, Krisna et Bindumantee Ramgoolam ont connu des hauts et des bas comme tous les couples. Mais la sexagénaire ne garde que des bons souvenirs de sa vie de mariage. «Lorsque nous nous disputions et que je ne lui adressais plus la parole, Krisna finissait toujours par revenir vers moi pour recoller les morceaux», relate-t-elle, en esquissant un triste sourire. De leur union sont nés deux enfants, leur fils Arvinsing et leur fille Nirula, 38 ans, qui est établie en Australie depuis une dizaine d’années. Elle est rentrée dès qu’elle a appris la mauvaise nouvelle. «Krisna a toujours été un époux et un père strict mais aimant. C’était un homme bien. Il aimait beaucoup que nous passions du temps en famille et s’entendait bien avec tout le monde. Il adorait aussi nos sorties à la mer avec le club de 3e âge», souligne la sexagénaire.

 

Après avoir pris sa retraite – Bindumantee a longtemps travaillé dans une usine et son époux à la municipalité de Port-Louis –, le couple a ouvert la boutique My Friend, il y a une vingtaine d’années, afin de joindre les deux bouts. Les deux avaient encore de nombreux projets dont celui d’aller passer des vacances en Australie auprès de leur fille, cette année. Un rêve que Krisna chérissait mais qui se ne réalisera jamais pour lui. Lui qui est parti dans des circonstances atroces.

 

Si ses agresseurs n’ont rien emporté de matériel ce jour-là, ils sont tout de même parvenus à prendre quelque chose de beaucoup plus précieux, quelque chose qui n’a pas de prix : la vie d’un boutiquier sans histoire, aimé de tous et qui avait encore de belles choses à vivre.

 

Le suspect Ikraam Mungur placé en détention

 

Les limiers de la brigade criminelle de Port-Louis Nord le soupçonnent d’avoir participé à l’agression ayant couté la vie au boutiquier Shiam Krisna Ramgoolam, aussi connu comme Bhai Sookdev. Ikraam Mungur, un habitant de Vallée-des-Prêtres, âgé de 25 ans, a été appréhendé le mercredi 18 juillet. Les enquêteurs se sont basés sur la description fournie par un témoin pour procéder à son arrestation. Lors d’une perquisition de son domicile, la police a mis la main sur une cagoule ressemblant à celle que portait l’un des agresseurs de Krisna et Arvinsingh Ramgoolam. Interrogé, il a cependant nié les faits qui lui sont reprochés et a déclaré qu’il se trouvait à Plaine-Verte à l’heure du drame. Il reste en détention policière le temps que l’enquête se poursuive.

 

Xavier-Luc Duval : «Un cas de trop»

 

Il se dit très concerné. Le leader de l’opposition Xavier-Luc Duval s’est rendu aux funérailles de Shiam Ramgoolam, mercredi dernier, accompagné de la députée Aurore Perraud. Il a, par la suite, fait une courte déclaration à la presse : «Malheureusement, c’est un cas de trop. Il y a une dangereuse et effrayante augmentation de la criminalité, notamment les vols avec violence et les meurtres.» Il a aussi fustigé sir Anerood Jugnauth qui, selon lui, «ne peut plus gérer la police».