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Affaire Alvaro Sobrinho : Pourquoi ça fait du tort à Maurice

Ashok Subron, Jocelyn Chan Low et Ivor Tan Yan donnent leur avis sur les répercussions de cette affaire.

Sun, sea and fun. Côté carte postale, ça va. C’est la carte finance qui en prend un coup. Merci à la cacophonie provoquée par le milliardaire angolais.

Miroir, miroir, dis-moi si mon image est intacte ? Pas de conte de fées à prévoir. Plutôt mille et une contradictions. Des histoires à dormir debout. Et des secrets aussi empoisonnés qu’une pomme enchantée. Avec l’affaire Alvaro Sobrinho, les institutions financières semblent prises dans une cacophonie qui n’en finit plus. Ce businessman angolais, cofondateur de l’ONG Planet Earth Institute (PEI)avec la présidente de la République Ameenah Gurib-Fakim, a obtenu une Investment Banking and Corporate Advisory Licence – entre autres permis octroyés – de la Financial Services Commission (FSC). Alors que son nom est cité dans une affaire de corruption et de blanchiment d’argent au Portugal. Dans cet imbroglio politico-financier, le secteur financier s’enlise et s’entache. Mais pas que. Les politiciens de l’opposition disaient, il y a quelques jours, que ce «scandale» faisait du tort à l’image de Maurice. Est-ce vraiment le cas ? Nous avons posé la question à des observateurs. 

 

Le ministre de la Bonne Gouvernance, Sudhir Seesungkur, affirme que la FSC n’a pas fait un travail de fond et que la Banque de Maurice a refusé une banking licence au milliardaire. La BoM réplique et affirme, via un communiqué, qu’Alvara Sobrinho n’a jamais fait une telle demande. Le principal concerné confirme. Et donne sa version de toute cette affaire (ou, du moins, sa version de certains points choisis) à des journalistes spécifiques (ceux de la presse parlée, la presse écrite n’étant pas conviée à l’exercice de communication). La FSC se tourne vers la police pour une allégation d’usage de faux : «Reference is made to press reports to the effect that certain persons have had their names alleged to have been included improperly in applications for licences made to the Financial Services Commission, Mauritius.» 

 

Cette semaine, la polémique entourant l’ancien Chairman de PEI devenu trustee n’a cessé d’enfler. Et ça ne devrait pas s’arrêter là, estime Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique : «Le problème, c’est cette cacophonie entre la FSC, le ministère de la Bonne Gouvernance et la Banque de Maurice qui a tardé avant de donner sa version de l’histoire. D’ailleurs, c’est le ministre lui-même qui a lancé cette polémique concernant la banking licence. Et à ce niveau-là, ce n’est pas sérieux.»

 

Une guéguerre au sommet qui pourrait avoir des conséquences regrettables : «Il faut tirer tout ça au clair. Tout investisseur potentiel va se poser des questions. Dans toutes ces explications fournies, il y a quelque chose qui manque.» Autour de cette affaire, ce sont les zones d’ombre qui égratignent l’image de l’île : «Au Portugal, on dit qu’Alvaro Sobrinho n’est pas mis en cause. Mais il y a des allégations, un climat de suspicion qui entoure cet homme qui est relié à la présidente de la République. Il faut que ça s’arrête. De toute façon, le point de presse d’Alvaro Sobrinho n’a rien clear. Au contraire, en refusant de répondre aux questions des journalistes, il a ajouté à l’opacité ambiante.»

 

Il faudrait donc une bonne dose de transparence : «Il faut arrêter de jouer avec l’image de nos cadres régulateurs. Le ministère doit venir s’expliquer. Il faut que toutes les parties prenantes jouent carte sur table.» 

 

Suspicion

 

Jocelyn Chan Low estime que ça implique aussi la présidente de la République : «Le public attend ses explications. Il faut qu’elle sorte de son mutisme et qu’elle réponde à toutes les allégations.» D’ailleurs, il est de la plus haute importance de rétablir l’image de Maurice concernant son secteur financier : «Il faut situer tout ça dans un contexte. Il y a des allégations que l’île est un paradis fiscal, qu’on peut y blanchir de l’argent. Et toute suspicion, comme on vient de le voir ces derniers jours, porte atteinte à notre réputation.» Ivor Tan Yan, syndicaliste, est bien de cet avis. 

 

Mais il avance que le no 2du gouvernement n’a pas rendu service à son pays. Au contraire : «C’est le plus grave je crois. Les déclarations d’Ivan Collendavelloo portent atteinte à la réputation de notre pays.» Le ministre a rencontré Alvaro Sobrinho, le jeudi 9 mars, et a affirmé que le milliardaire lui a assuré que l’argent investi dans l’île était propre, entre autres choses. 

 

«Personne du gouvernement ne devrait se prononcer sur cette affaire sans qu’une enquête complète soit réalisée. Sans investigation, unDeputy Prime Minister a fini de donner carte blanche à cet homme ? Ces déclarations viennent questionner la neutralité du gouvernement. C’est beaucoup plus dommageable pour l’image de propreté financière que le pays veut donner.» Cette rencontre Collendavelloo-Sobrinho gêne aussi Ashok Subron, un des porte-parole de Rezistans ek Alternativ : «C’est très malsain. Ça donne une impression de cover-up.»

 

Pour le politicien, toute cette affaire «pose problème à l’image de Maurice et à son centre financier mais aussi aux Mauriciens». «Nous voyons une relation de plus en plus malsaine entre les institutions de l’État et le big business, mafieux ou pas.» Il s’inquiète de l’impression que la présence du businessman a influencé des changements de législations. «Un changement fondamental : retirer le contrôle à la banque centrale pour le donner à la FSC. Et cela, au même moment où Alvaro Sobrinho fait des démarches pour avoir ce permis.» C’est d’ailleurs ce qu’a insinué Paul Bérenger, expliquant que les changements au Finance Act de2016 aurait permis à la FSC de pouvoir délivrer l’Investment Banking and Corporate Advisory Licence. Pravind Jugnauth, dont ce serait l’initiative, a démenti ces propos et a déclaré qu’il n’y a jamais eu de «transfert de permis».

 

Ashok Subron estime d’ailleurs que laprésidente de la République devra s’expliquer sur un déjeuner qu’elle aurait organisé à la State House : «En présence d’Alvaro Sobrinho et de deux personnes impliquées dans le secteur financier alors qu’il était question de philanthropie. Ça constitue un délit, une forme de trafic d’influence.» Il va plus loin en affirmant que tout ce qui se passe actuellement démontre un «cas classique où on se sert de la philanthropie à travers une ONG pour en faire un bras corrupteur». Alors, pour que l’image de Maurice ne soit pas plus écornée, c’est tout un système qu’il faut revoir.«Les services financiers bénéficient de l’opacité totale qui les entoure. Le citoyen ne sait pas ce qui y est discuté. Les procès-verbaux de la FSC doivent être accessibles à tous. Un Freedom of Information Act, qui s’applique aussi au secteur financier, doit être voté.»

 

Une responsabilité que le gouvernement ne veut pas prendre. Tout comme la précédente équipe dirigeante.«Que ce soit Roshi Bhadain ou le gouvernement travailliste : zot inn fane. Et ce gouvernement actuel déraille complètement. Le système financier met la réputation de Maurice à mal.» Du côté du gouvernement, par contre, on ne voit pas les choses dans cette perspective. «À chaque fois qu’il y aura des allégations comme celles entourant Alvaro Sobrinho, il faudra revoir notre système financier ? Si c’est le cas, on n’est pas sorti de l’auberge. C’est une tempête dans un verre d’eau. Une affaire montée de toute pièce pour déstabiliser le gouvernement et c’est tout», confie un proche du pouvoir. Un conte de défaits pour une opposition en mal de scandale, en quelque sorte. 

 

Inutile alors d’interroger un miroir, bien sûr. Ou de tirer des enseignements des récents événements. Si tout va bien…

 

Ce qu’il ne fallait pas rater

 

Ce vendredi 10 mars a été une journée de rebondissements et de révélations. Voici un résumé…

 

Point de presse du sieur Sobrinho. Des journalistes refoulés et un milliardaire qui refuse de répondre aux questions des journalistes admis. L’exercice de communication d’Alvaro Sobrinho a tourné à la mauvaise comédie. Qu’importe, les déclarations de l’homme étaient attendues. En voici l’essentiel : il n’a jamais approché la Banque de Maurice pour obtenir une banking licence – les berlines achetées servent aux dirigeants de sa compagnie – il n’a reçu aucun traitement de faveur de la FSC – il n’y a aucune accusation contre lui. «There is a specific allegation that I have or will be subject of misappropriation of funds Rs 80 billion for the Bank of Angola. Let me state boldly. There is no such accusation on me. The issue of conviction does not even arise.»Il a terminé son point de presse en affirmant qu’il souhaitait que cette affaire soit réglée au plus vite : «Nous sommes ici pour le développement de Maurice.»

 

La FSC va voir la police.C’est dans un communiqué que le régulateur financier a fait part de sa décision de s’en remettre à la police. La raison : «Des articles de presse ont fait état de personnes dont les noms ont été utilisés à leur insu pour l’obtention d’un permis.» 

 

Sir Anerood Jugnauth fait son SAJ.Une réaction du ministre mentor était très attendue sur l’affaire Alvaro Sobrinho. Et il a été égal à sa réputation : «Zournalis ek politisien invant ninport ki zafer. Zot anvi anpes devlopman pei…»

 

Xavier-Luc Duval pose une question. Et elle est de taille : pourquoi Ivan Collendavelloo a rencontré Alvaro Sobrinho quand celui-ci a débarqué à Maurice cette semaine ? Comme une enquête est en cours, le leader du ML aurait dû s’abstenir, estime le leader de l’opposition en conférence de presse. Il a promis une Private Notice Question pour lever le voile sur toute cette affaire et est revenu sur son entretien avec la présidente de la République Ameenah Gurib-Fakim :«Je lui ai demandé de s’expliquer en public.»

 

Rencontre Deputy Prime Minister-Alvaro : rien de plus normal. C’est ce que laisse entendre Ivan Collendavelloo qui s’est improvisé défenseur du trustee de Planet Earth Institute dans sa déclaration à la presse : «Je suis quand même le n°2 du gouvernement et cette personne veut investir des milliards de roupies dans mon pays.» Il s’est entretenu avec le businessman le jeudi 9 mars : «Il m’a fourni des explications. C’est une personne qui vient investir des milliards de roupies dans mon pays et dans le secteur énergétique. Il a tenu à m’expliquer que l’argent qu’il investit dans le secteur énergétique n’est pas de l’argent volé (…)»

 

Il y avait ça aussi le jeudi 9 mars… 

 

La Banque de Maurice sort de son silence. Ça lui a pris du temps ! Et elle a décidé, à travers un communiqué, qu’elle n’avait jamais reçu une demande pour obtenir une banking licence venant d’une entreprise d’Alvaro Sobrinho. Pourtant, c’est le ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur, qui avait déclaré, il y a quelques jours, que la BoM avait refusé une banking licence au businessman angolais. 

 

Paul Bérenger veut des réponses

 

Il veut de la transparence ! Il la réclame, même. Non, le leader du MMM ne veut pas d’un chemisier see through mais bien que la FSC fasse disparaître les zones d’ombre qui entourent Alvaro Sobrinho : «Elle doit rendre publique la lettre qu’elle a envoyée au Portugal pour demander des informations sur le businessman. Il nous faut la réponse aussi.» Pour le leader du MMM, il n’y a pas de doute, le businessman angolais n’est pas irréprochable : «Le monde entier sait ce qu’il est. C’est juste à Maurice qu’on ne voit rien.» Et pour lui, il n’y a aucun doute,«cette affaire fait du tort à Maurice.»